Les artistes du spectacle sont présumés salariés. Quel contrat de travail conclure pour embaucher un artiste ? Quelle rémunération verser et quelles formalités effectuer ?
Cette fiche est issue d'une rencontre juridique organisée le 24 novembre 2008.
Les artistes du spectacle salariés
Il ne s’agit pas d’une notion juridique, mais d’une notion pratique employée par les professionnels du spectacle. On désigne par cette appellation un regroupement d’artistes et de professionnels du spectacle ayant un projet artistique commun dans le domaine théâtral. L’existence pratique d’une compagnie ne nécessite pas forcément sa constitution sous une forme juridique. Une compagnie peut exister par le simple biais de la conclusion de contrats entre ses membres et la structure qui produit leur spectacle. Cette pratique s’est toutefois raréfiée.
Sont notamment considérés comme tels par le Code du travail (article L.7121-2) : l’artiste lyrique, l’artiste dramatique, l'artiste chorégraphique, l'artiste de variétés, le musicien, le chansonnier, l'artiste de complément, le chef d'orchestre, l'arrangeur-orchestrateur, le metteur en scène pour l'exécution matérielle de sa conception artistique (période des répétitions et des premières représentations pendant lesquelles le metteur en scène assure la direction des interprètes et des techniciens), l'artiste de cirque, le marionnettiste et les personnes dont l'activité est reconnue comme un métier d'artiste-interprète par les conventions collectives du spectacle vivant étendues.
Lorsqu’un organisateur de spectacle engage un artiste du spectacle en vue de sa production et moyennant une rémunération, le contrat conclu entre eux est présumé être un contrat de travail :
- la relation contractuelle est donc soumise au droit du travail (notamment en matière de rémunération) ;
- dans l’exécution de sa prestation, l’artiste est sous l’autorité et la responsabilité (lien de subordination) de son employeur, ce qui ne l’empêche pas de rester libre dans l’expression de son art ;
- l’employeur se charge de toutes les démarches administratives liées à l’embauche (charges sociales, etc.).
Les contrats de travail
Comme le rappelle l’accord interbranche du 24 juin 2008 sur la politique contractuelle dans le spectacle vivant négocié par les organisations syndicales d’employeurs et de salariés le contrat de travail de principe est le contrat à durée indéterminée (art. L.1221-2 du Code du travail). Le CDI (à temps plein ou à temps partiel) a vocation à être conclu lorsqu'un salarié a une activité permanente au sein d’une structure. Cela peut par exemple être le cas pour un directeur artistique qui n’est pas seulement metteur en scène mais qui a également la responsabilité des choix artistiques de la compagnie et une mission de développement de celle-ci.
Les employeurs qui produisent des spectacles peuvent recourir au contrat à durée déterminée (CDD) dit "d’usage" (article D.1242-1 du Code du travail) pour certains emplois par nature temporaires et dont la liste est dressée dans l’accord interbranche du 24 juin 2008 (annexe C) sur la politique contractuelle dans le spectacle vivant. Cette liste se retrouve dans les conventions collectives.
Le contrat doit être établi par écrit et ne doit pas avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité "normale et permanente" de l’entreprise (art. L.1248-1 du Code du travail).
Pour découvrir le formalisme particulier du CDD d'usage : Les mentions obligatoires du contrat à durée déterminé d'usage
Lorsqu'un artiste est engagé pour des répétitions, c’est en vue de la représentation d’un spectacle. Les textes du Code du travail sur la présomption de salariat parlent en effet de l’embauche d’un artiste "en vue de sa production". Les contrats de travail doivent dès lors avoir pour finalité la production d’une œuvre de l’esprit devant un public.
En pratique, il arrive que des compagnies aient des incertitudes quant aux dates des représentations et ne concluent les contrats de travail que lorsque ces dates sont connues. Dans ce cas, la compagnie et l’artiste ne sont pas engagés l’un envers l’autre tant que le contrat de travail n’est pas conclu.
L’accord interbranche du 24 juin 2008 (annexes A et B de l’accord) prévoit que le recours à ce type de contrat de travail est exclusivement réservé pour l’embauche de certains personnels et notamment les employés de nettoyage, de caissiers, d’hôtesses de salle. Il n'est donc pas possible d'y recourir pour l'embauche d'artistes.
La rémunération des artistes
Dans chaque secteur d’activité, les organisations syndicales d’employeurs et de salariés négocient des conventions collectives. Lorsque celles-ci sont étendues par arrêté du Ministre du travail, elles sont d’application obligatoire pour l’ensemble des structures qui entrent dans leur champ professionnel d’activité.
Toutes les conventions collectives applicables dans le secteur du spectacle sont consultables sur Légifrance.fr. Les compagnies de théâtre doivent appliquer :
- soit la convention collective nationale du secteur public (convention collective des entreprises artistiques et culturelles) ;
- soit la convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant*.
*Cette convention est étendue depuis le 1er juillet 2013 et se substitue à la convention collective nationale des théâtres privés, la convention collective nationale régissant les rapports entre les entrepreneurs de spectacles et les artistes dramatiques, lyriques, chorégraphiques, marionnettistes, de variétés et musiciens en tournées et la convention collective nationale de la branche chanson, variétés, jazz, musiques actuelles.
Comme l’indique l’accord interbranche du 22 mars 2005, les conventions collectives ont vocation à couvrir l’ensemble du secteur. S’il y a un doute sur l’application de la convention collective, il est possible d’interroger les services de l’inspection du travail ou le service convention collective (lorsqu’il existe) de la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE).
Les artistes peuvent être rémunérés en service, en cachet ou être mensualisés. Il n’existe pas dans les conventions collectives de possibilité de rémunérer à l’heure.
- Rémunération au mois (mensualisation) : cette situation concerne l’ensemble des salariés embauchés en CDI ou CDD de plus d’un mois (attention, ce n’est pas toujours le cas, notamment dans l’annexe 1 de la convention collective du secteur privé). La mensualisation prévoit une somme forfaitaire fixe par mois, peu importe le nombre de jours dans le mois (31,30 ou 28).
- Rémunération au cachet : le cachet est une rémunération forfaitaire indépendante du nombre d’heures réellement effectué par l’artiste. Pour connaître les spécificités de rémunération dans chacune des conventions collectives, se reporter à la fiche « Rémunération des comédiens et techniciens au théâtre ».
Les formalités à effectuer par l'employeur
En cas d'embauche, il est nécessaire de :
- effectuer la déclaration préalable à l'embauche (DPAE) ;
- transmettre au salarié son contrat de travail signé par lui-même et par l’employeur au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche (art. L.1242-13 du Code du travail). Pour les contrats d’une durée inférieure à 48 heures, le contrat doit être remis signé au plus tard le premier jour de l’engagement ;
- remettre le bulletin de paie au moment du versement de la rémunération ;
- remettre à la fin de chaque contrat de travail dans le mois une attestation d’employeur mensuelle (AEM).
Ne pas oublier d’effectuer dans les délais prévus à cet effet les déclarations et le paiement des cotisations sociales auprès des organismes sociaux.
Depuis une loi du 2 juillet 1998, la tenue d'un livret de paie n'est plus obligatoire. Cependant l’employeur doit conserver pendant cinq ans au moins les bulletins de paie afin d’être en mesure de les présenter à tout moment en cas de contrôle (art. L.3243-4 du Code du travail).
Les employeurs, quel que soit l'effectif de l'entreprise, doivent tenir à jour un registre unique du personnel (articles L.1221-13 et suivants du Code du travail) sur lequel doivent notamment figurer, par ordre d’embauche, les noms et prénoms de tous les salariés travaillant ou ayant travaillé dans l’établissement, y compris les salariés en CDD d’usage (pour les mentions complémentaires cf. l’art. D.1221-23 du Code du travail).
Intervenants de la rencontre du 24 novembre 2008
Ghislaine Lefèvre, chargée de mission au bureau de l’emploi du ministère de la Culture et de la Communication