L’autorisation de l’auteur pour exploiter son œuvre est un préalable à toute étape dans le processus de création d’un spectacle. Une représentation peut être en danger si l’accord de l’auteur n’a pas été sollicité. En effet, si le spectacle est programmé, les contrats de vente signés et les artistes engagés alors que l’autorisation n’a pas été obtenue, il risque de ne pas voir le jour.
Cette fiche est issue de la rencontre juridique « L’exploitation d’une œuvre dramatique dans un spectacle » organisée par le Pôle juridique du CnT le 21 septembre 2009.
Bref rappel sur le droit d'auteur
En droit d’auteur, il n’y a pas de formalité particulière à respecter pour que l’œuvre soit protégée, le dépôt de l’œuvre n’est donc pas obligatoire. L’auteur est protégé du seul fait de la création de son œuvre à partir du moment où l’œuvre a une forme tangible et porte l’empreinte de la personnalité de son auteur (Art. L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle - CPI).
L’auteur est propriétaire de son œuvre. Le CPI énonce les prérogatives attachées aux droits de l’auteur :
- les prérogatives de droit moral (droit à la paternité, droit de divulgation, droit au respect de l’œuvre : on ne peut pas modifier l’œuvre sans son accord, droit de retrait ou de repentir).
- les prérogatives de droit patrimonial : droit d’autoriser ou d’interdire l’exploitation de l’œuvre (droit de représentation et droit de reproduction de l’œuvre).
Le CPI institue une présomption simple attribuant la qualité d’auteur à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre a été divulguée.
Néanmoins il est prudent de se prémunir des contestations et litiges éventuels en prenant des précautions, notamment par le biais du dépôt.
Dans le secteur du spectacle vivant, l’auteur a la possibilité de déposer son œuvre à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, SACD (il s’agit du service SCALA valable pour une durée de 5 ans renouvelables, et indépendant de l’adhésion à la SACD) ou bien éventuellement de s’adresser l’œuvre à lui-même par pli recommandé gardé scellé sachant que cette dernière possibilité n’a qu’une valeur probante relativement faible devant les tribunaux. Ces formalités permettent de prouver l’antériorité de l’œuvre.
Si l’auteur a donné son autorisation et le contrat de cession est signé, il ne peut pas revenir en arrière, sauf à exercer ses prérogatives de droit moral (si l’œuvre est modifiée par exemple). Il s’agit de situations relativement rares en pratique.
Une œuvre tombe dans le domaine public 70 ans après la mort de l’auteur. A cette date, chacun peut librement exploiter cette œuvre sans demander d’autorisation préalable. Toutefois, le droit moral étant perpétuel, les ayants droit peuvent faire cesser une atteinte qui constitue une dénaturation de l’œuvre (coupures dans le texte par exemple).
N.B. La traduction (ou l’adaptation) est protégée au titre du droit d’auteur (si elle remplit les conditions de la protection) et le traducteur (ou l’adaptateur) peut percevoir une rémunération pour la traduction (ou adaptation) d’une œuvre première qui elle, est tombée dans le domaine public (par exemple une pièce de Shakespeare). Il faudra par conséquent demander au traducteur l’autorisation d’exploiter sa traduction.
En adhérant à la SACD, l’auteur effectue un apport en gérance des droits d’adaptation et de représentation de ses œuvres dramatiques.
La SACD aura alors pour mandat d’établir les contrats de représentation, de fixer les conditions financières de l’éventuelle exploitation, de percevoir les rémunérations des auteurs ainsi que de les leurs répartir.
L’auteur adhérent a l’obligation de déclarer toutes ses œuvres dramatiques au répertoire de la SACD qui va percevoir systématiquement des droits sur ces œuvres. Mais l’auteur reste le seul à autoriser ou interdire toute exploitation de son œuvre, la SACD n’agira qu’en son nom et pour son compte.
Oui, il peut démissionner de la SACD à l’expiration de chaque période de 2 ans à compter de la date anniversaire de son adhésion.
Les premières démarches à effectuer par le producteur
- Qu’est-ce que la commande d’une œuvre ?
Lorsqu'une compagnie a un projet de spectacle et souhaite commander l’écriture d’une œuvre à un auteur, elle négocie un contrat de commande à l’écriture. Après signature et exécution du contrat, l’œuvre reste la propriété de l’auteur qui pourra autoriser ou non son exploitation. La compagnie devra donc par la suite conclure un contrat de représentation. Une prime de qui ne pourra pas être déduite du montant de ses droits d’auteur à venir, est versée à l’auteur.
- Le contrat de commande doit-il être formalisé par écrit ?
Le CPI n’exige pas de conditions de forme particulières concernant le contrat de commande, il existe donc une certaine liberté de rédaction. Le contrat peut être oral même s’il est préférable de le formaliser par écrit afin qu’il n’y ait pas de contestation de part et d’autre notamment sur le montant de la prime, les caractéristiques de l’œuvre commandée, les délais de remise du manuscrit, etc.
- Quelles sont les clauses à prévoir ?
Le CPI ne mentionne pas de clauses obligatoires. En pratique, sont prévus dans le contrat de commande les caractéristiques de l’œuvre commandée, les dates de remise du manuscrit par l’auteur ainsi que le montant de la rémunération. Cette rémunération (prime de commande forfaitaire) suit le régime des droits d’auteur mais elle n’a rien à voir avec les droits générés par l’exploitation de l’œuvre.
- Et si l’auteur est membre de la SACD ?
La SACD peut se charger de la négociation du contrat de commande, de la perception et de la répartition des droits à l’auteur (prime de commande).
- A qui s’adresser pour obtenir l’autorisation d’exploitation de l’auteur ?
Il faut s’adresser à l’auteur ou à la SACD s’il est adhérent. A défaut, la SACD pourra éventuellement transmettre le contact de l’auteur, ou son agent ou éditeur, à la compagnie. Si l’auteur est adhérent, la demande d’autorisation se fera auprès de la SACD qui la transmettra à l’auteur.
- A qui s’adresser lorsque l’auteur est étranger ?
La SACD représente certains auteurs étrangers. Elle a signé des accords de « réciprocité » avec certaines sociétés d’auteur étrangères et peut servir d’intermédiaire dans ce cas. Si la SACD ne représente pas l’auteur, il est possible qu’elle dispose d’informations sur la personne à contacter.
- Cela arrive-t-il qu’un auteur refuse de donner son autorisation ?
Un auteur peut refuser de donner son autorisation. Il n’est pas tenu de donner le motif de son refus. De même, un auteur qui a déjà donné son autorisation à un producteur pour un temps donné peut la refuser pour une reprise du même texte. Tout en donnant son autorisation, l’auteur a la possibilité de la soumettre à un certain nombre de conditions telles que le territoire et la durée. Lorsqu'il s’agit d’une œuvre de collaboration, il est nécessaire d’obtenir l’autorisation de chacun des co-auteurs.
La conclusion du contrat de représentation
Selon l’article L.132-18 du CPI, le contrat de représentation est le contrat par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit et ses ayants droit autorisent une personne physique ou morale à représenter ladite œuvre à des conditions qu’ils déterminent. L’article L.131-2 du CPI impose un écrit pour le contrat de représentation des droits d’auteur.
Doivent être précisés dans le contrat de représentation, chacun des droits concernés de façon distincte ainsi que l’étendue de l’autorisation, sa destination, le territoire d’exploitation et la durée, sous peine de nullité du contrat. Il faut ainsi toujours faire attention aux accords de principe donnés par l’auteur, si toutes ces mentions ne sont pas précisées.
En fonction du projet, le contrat de représentation peut être assorti d’une clause d’exclusivité à durée limitée qui peut être demandée pour un territoire précis (une ville, un département, un pays etc.). La durée maximale d’exclusivité est de 5 ans. Toutefois, si l’œuvre n’est pas exploitée pendant 2 ans consécutifs, l’exclusivité tombe (mais pas l’autorisation), afin de protéger l’auteur en permettant de nouvelles exploitations.
L’exclusivité permet au producteur de bloquer à son profit les droits d’auteur et d’être le seul à pouvoir exploiter l’œuvre pendant une certaine durée et pour un territoire donné. Toutefois, il est possible de déroger à cette exclusivité avec l’accord du producteur détenteur de l’exclusivité sur l’œuvre concernée et de l’auteur. En échange du blocage de l’exploitation de l’œuvre pendant la durée d’exclusivité concédée, l’auteur peut notamment, lorsqu’il est adhérent à la SACD, demander le versement d’une avance sur droits non récupérable mais remboursable.
En contrepartie de son autorisation, l’auteur est rémunéré proportionnellement aux recettes générées par l’exploitation de l’œuvre. En principe, les parties sont libres de négocier le pourcentage (si l’auteur n’est pas adhérent à la SACD). Par exception, dans certaines situations limitativement énumérées par l’article L.131-4 du CPI, les parties peuvent avoir recours au forfait (c’est parfois le cas pour les metteurs en scène percevant des droits d’auteur).
La SACD fixe les conditions plancher de rémunération. L’auteur peut demander une rémunération plus importante, mais cela reste plutôt rare en pratique.
A Paris, un taux de 12% des recettes billetterie hors TVA ou de la recette assurée au producteur en contrepartie des représentations (prix de vente, forfait, garantie de recette) s’il n’y a pas de billetterie est appliqué, ainsi que 1% de contribution à caractère social et administratif calculé sur la même assiette et destiné à un fond d’action sociale (retraites des auteurs adhérents).
En dehors de Paris, un taux de 10,5% est appliqué sur l’assiette la plus intéressante pour l’auteur entre les recettes billetterie hors TVA et le prix de cession hors TVA. Un taux de contribution à caractère social et administratif de 2,10% sur la même assiette sera appliqué. A ces sommes, s’ajoute la TVA à 10%.
En dehors de Paris, la SACD a mis en place un minimum garanti en cas de recettes ou prix de cession trop faibles, qui est calculé sur la jauge financière du lieu de représentation sur lequel on applique les taux mentionnés ci-dessus. A Paris, un minimum garanti peut être négocié même si cela reste rare en pratique.
La SACD a mis en place une perception systématique des droits d’auteur, mais dans le cas de l’auteur producteur, elle a prévu l’abandon de la perception du minimum garanti.
L’article L.122-7 du CPI autorise l’auteur à céder ses droits gratuitement. Toutefois, lorsque l’auteur est adhérent à la SACD, la cession s’effectue toujours à titre onéreux (minima de perception obligatoires fixés par la SACD). L’auteur ne peut ainsi renoncer à sa rémunération et céder ses droits à titre gracieux.
La SACD applique des barèmes spécifiques aux compagnies amateurs, adhérentes ou non à des fédérations.
Oui, même pour un spectacle gratuit, il convient de respecter les mentions obligatoires du contrat de représentation (obligation d’un écrit) et de prévoir la perception des droits sur le prix de cession du droit de représentation sur lequel vont être appliqués les mêmes taux mentionnés ci-dessus. Pour des lectures gratuites sans prix de cession, la SACD pratique la rémunération au forfait pour les auteurs.
Il est nécessaire de préciser dans le contrat de représentation, qui aura la charge du paiement des droits d’auteur. Le plus souvent, il existe une délégation de paiement des droits d’auteur au diffuseur. Ainsi, pour recouvrer la rémunération de l’auteur, la SACD va s’adresser d’abord au diffuseur et ce même si elle n’a pas de contrat spécifiant cette délégation (la SACD acceptant la délégation imparfaite de paiement). En règle générale, il faut prévoir dans le contrat conclu entre le producteur et le théâtre, lequel des deux va prendre en charge le paiement des droits d’auteur. Il faut de plus savoir si le paiement de ces droits va être déduit ou non de la somme perçue dans le cadre d’une cession des droits de représentation du spectacle.
Sécurité sociale des auteurs : démarches à effectuer
La sécurité sociale des auteurs est gérée par l’Agessa et la Maison des artistes. L’Agessa concerne notamment les auteurs de la branche de l’écrit. C’est, depuis le 1er janvier 2019, l’Urssaf qui est chargée du recouvrement des cotisations et contributions dues sur les rémunérations des artistes auteurs.
La sécurité sociale des auteurs est financée par les cotisations des artistes auteurs auxquels s’ajoute une part contributive mise à la charge des personnes qui procèdent à la diffusion ou à l’exploitation des œuvres. La SACD a reçu mandat de l’Agessa pour percevoir pour son compte la cotisation des diffuseurs.
Plus de précisions sur le fonctionnement du régime de sécurité sociale des artistes auteurs dans le dossier « La note de droits d’auteur ».
Les utilisations musicales
La SACD intervient pour la musique originale, créée spécifiquement pour le spectacle. Si l’auteur utilise une œuvre créée pour le spectacle, il peut décider de partager ses droits, c’est à dire en rétrocéder une partie au compositeur de l’œuvre musicale. Les taux pratiqués par la SACD sont identiques dans ce cas mais les sommes seront réparties entre l’auteur du texte et le compositeur de l’œuvre musicale. Si l’auteur ne veut pas partager ses droits avec le compositeur de la musique, il y aura une perception complémentaire calculée à un taux de 0,10% par minute de musique utilisée et plafonnée en général à 4%. Le compositeur peut demander un pourcentage plus important mais il faudra alors le négocier avec le producteur.
Dans ce cas, la SACEM va fixer un taux en fonction du genre du spectacle, du rapport entre la durée de l’utilisation musicale avec la durée totale du spectacle. Si l’auteur a prévu dans sa pièce l’utilisation d’une musique, il peut accepter de partager ses droits et on va alors imputer sur les droits perçus par la SACD les droits du compositeur SACEM. Sinon, il y aura une rémunération supplémentaire. La compagnie peut transmettre à la SACD les informations relatives à la musique utilisée (le titre des œuvres, le nom des éditeurs ainsi que la durée) qui seront transférées à la SACEM.
A Paris, selon les lieux, l’une des deux sociétés de gestion collective va percevoir l’ensemble des droits avec une même facture et les reversera ensuite à l’autre société. En dehors de Paris, les factures sont séparées et la perception est indépendante.
Plus de précisions sur l’utilisation de musique dans un spectacle dans l'article : "L'utilisation d'une musique" (collection Droits de l'artiste interprète, catégorie exploitation).
Intervenants de la rencontre du 21 septembre 2009
Isabelle Cornille, adjointe à la directrice du spectacle vivant, en charge du pôle autorisation de la SACD
Jean Balladur, directeur administratif de la compagnie « Boomerang » et de la « Mousson d’été »