Le maire, en tant qu’autorité administrative est investi d’un pouvoir de police administrative générale et spéciale, qui lui permet d’édicter des mesures réglementaires et individuelles. Par ailleurs, sa qualité d’officier de police judiciaire lui confère le pouvoir de rechercher et de constater certaines infractions.
Cette fiche a pour objectif d’exposer les différentes prérogatives du maire au titre de son pouvoir de police administrative générale en tant que gardien de l’ordre public, de son pouvoir de police administrative spéciale découlant de textes de lois, mais aussi en sa qualité d’officier de police judiciaire.
I.Les pouvoirs de police administrative du maire
Si la police administrative générale du maire remplit la mission de protéger l’ordre public, les mesures de police spéciales poursuivent un but précis définis par un texte qui peut être différent de la seule préservation de l’ordre public.
a.Le pouvoir de police administrative générale
1.Les prérogatives du maire en matière de police administrative générale : la préservation de l’ordre public
Le pouvoir de police administrative générale fait du maire le gardien de l’ordre public local. A ce titre, le maire dispose d’un pouvoir normatif lui permettant d’édicter des mesures réglementaires individuelles garantissant :
- la tranquillité publique : les bruits de voisinage, le tumulte dans les lieux publics …
- la sécurité ou la sûreté publique : mesures susceptibles de protéger les individus contre des dangers d’origine humaines ou naturels. Ex : la prévention des inondations, risques d’attentats, risques sanitaires, etc.
- la salubrité publique : le maire doit prendre des mesures utiles pour assurer l’hygiène, la prévention d’accidents et de pollution de toute nature. Ex : propreté des voies, enlèvement des encombrants…
- le respect de la dignité humaine (Conseil d'État, Juge des référés, 09/01/2014, 374508) : par exemple, les propos tenus par l’humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala (dit Dieudonné) dans son spectacle « Le mur » sur des personnalités de confession juive et sur l’ensemble de la communauté juive, ont, selon le Conseil d’Etat, justifié un arrêté interdisant le spectacle par le préfet de la Loire-Atlantique en vertu de son pouvoir de police. Le Conseil d’Etat, saisi de la légalité de cet arrêté, a relevé que le spectacle contenait des propos à caractère antisémite, incitant à la haine raciale, faisant, « en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale ». Selon le Conseil d’Etat, l’arrêté était justifié puisque l’humoriste avait déjà fait l’objet de neuf condamnations pénales pour des propos de même nature et qu’il y avait des risques sérieux de troubles à l’ordre public. La gravité et la réalité de ces risques à l’ordre public justifiaient l’interdiction.
C’est au titre de son pouvoir de police administrative générale, visant à garantir le maintien de l’ordre public, que le maire peut autoriser ou refuser certaines manifestations ou occupations du domaine public. Pour rappel, toute occupation du domaine public doit faire l’objet d’une autorisation préalable.
Le maire est également chargé, sous le contrôle administratif du préfet de département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'État qui y sont relatifs ( L2212-1 CGCT) :
- la police municipale englobe la notion de police rurale puisqu’il y a une unité de notion de police administrative dans le cadre communale. Le terme de police municipale est désormais employé pour désigner l’ensemble du contenu de la fonction du maire dans ce domaine.
- l'exécution des actes de l’Etat : le maire peut prendre, par la voie de dispositions générales ou d’injonctions particulières, des mesures afin d’assurer des réglementations édictées par le pouvoir central ou ses représentants. Ainsi, lorsqu’un arrêté préfectoral réglemente les établissements susceptibles de causer une gêne par un bruit excessif, il appartient au maire de prendre les mesures appropriées ” pour “assurer l’observation de la réglementation édictée à cet effet”. (Conseil d’Etat 23 juin 1976, Latty c/ Commune de Vaux-sur-Mer).
2.Cas particuliers
Selon l'article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), Le maire est l’autorité de police administrative locale, il exerce seul le pouvoir de police au sein de sa commune. Il peut en déléguer une partie à ses adjoints mais ne peut s’en décharger sur le conseil municipal qui est incompétent en la matière (Conseil d’Etat, 6 mai 1949, Hamon).
Néanmoins, il existe des cas particuliers où le pouvoir traditionnel du maire sera partagé avec une autre autorité administrative :
- A Paris, le pouvoir de police est partagé entre le maire ( loi du 29 décembre 1986 art. 9) et le préfet de police (art. L2512-13 CGCT et suivants). C’est le préfet de police qui, à Paris, est investi du maintien de l’ordre public.
- Le préfet est également investi d’un pouvoir de police administrative. Il se substitue au maire (et peut, le cas échéant, prendre un avis contraire) lorsque plusieurs communes du département sont concernées ou lorsque, après mise en demeure, le maire “ refuse de prendre une mesure qui s’impose ” (art. L2122-34 et L2215-1-1° CGCT). En cas d’urgence, la jurisprudence accepte par ailleurs que le préfet se substitue au maire sans mise en demeure.
- Dans les chefs lieux de département et certaines communes de plus de 20 000 habitants, les pouvoirs de police du maire peuvent être légèrement diminués. En effet, le préfet de département se substitue au maire concernant les mesures relatives à la préservation de la tranquillité publique (à l’exception des bruits de voisinage) et au respect du bon ordre lors de grands rassemblements.
b.Les pouvoirs de police administrative spéciales
Outre le pouvoir de police générale dont est investi le maire, des textes lui confient des compétences spécifiques appelées “ polices spéciales ”.
1.Les pouvoirs de police en matière de sonorisation sur la voie publique
Dans la plupart des départements, un arrêté préfectoral type de lutte contre le bruit prévoit que sur les lieux publics, voies publiques ou accessibles au public, sont interdits les bruits gênants par leur intensité, leur durée ou leur caractère répétitif. Toutefois, un arrêté préfectoral en la matière prévoit toujours des dérogations lors de circonstances particulières (manifestations, fêtes …) dont la police municipale incombe au maire.
Ainsi, un maire peut déroger à la règle générale de l’interdiction de sonorisation de la voie ou des lieux publics (Art. R1336-5 Code de la santé publique) et octroyer des dérogations, par exemple dans le cadre de concerts ou de spectacles de rue. En général, de telles dérogations doivent être demandées en mairie deux mois avant la manifestation.
2.Les pouvoirs de police en cas de nuisances sonores excessives
Le contrôle du bruit relève de la compétence du maire, toute inaction ou insuffisance de sa part est susceptible d’engager la responsabilité de la commune.
Le maire peut prendre des arrêtés visant à édicter des dispositions particulières pour réglementer certaines activités bruyantes en vue d'assurer le respect de la tranquillité publique et de réprimer les nuisances sonores constatées. Tel est le cas pour l’utilisation de salles municipales polyvalentes ou de manifestations culturelles situées à proximité d’habitation, dès lors que cela occasionne des nuisances sonores.
Au titre de son pouvoir spécial de police (Arts. L1311-1 et -2 du Code de la santé publique), le maire doit intervenir dans le domaine des bruits, troubles du voisinage, rassemblements nocturnes, afin d’assurer la protection de la santé publique au sein de la commune. Pour ce faire, le maire peut, par arrêté, édicter des heures de fermeture plus restrictives que l'arrêté préfectoral.
3.Les pouvoirs de police en cas d’établissements d’ERP
Le maire est la première autorité administrative responsable de l’application de la réglementation relative aux établissements recevant du public (ERP). En tant qu’autorité de police, il est tenu de veiller au respect des mesures de protection contre les risques d’incendie et de panique au sein de sa commune. Il dispose, en matière d’établissement recevant du public (ERP) permanent ou temporaire, d’un pouvoir de police administrative spéciale, le rendant ainsi responsable du bon respect de la réglementation relative aux ERP (Art. R143-23 et suivants du code de la construction et de l’habitation).
A ce titre, il dispose d’un pouvoir de décision quant :
- à son ouverture ;
- aux mesures à prendre consécutivement aux visites des commissions de sécurité ;
- à sa fermeture.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi “engagement et proximité” du 27 décembre 2019 (Art. 44), le maire a la possibilité de fermer d’office un ERP qui ne respecterait pas la réglementation, et la cas échéant, assortir son arrêté de fermeture d’astreintes financières dissuasives. Le maire peut prendre un tel arrêté s’il constate un non respect des normes ou l’absence de travaux nécessaires pouvant créer un risque en matière de sécurité pour les usagers.
Le maire peut, également, après avoir reçu une délégation des pouvoirs de police du préfet, prononcer la fermeture d’un ERP diffusant de la musique en cas de trouble à l’ordre public (Art. 45 de la loi “Engagement et proximité” du 27 décembre 2019).
4.Le permis de construire
Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire. L’implantation d’une structure itinérante suppose donc, en principe, la détention d’un permis de construire. Un décret précise que les constructions temporaires directement liées à une manifestation culturelle sont dispensées de permis de construire, tant que l’implantation ne dure pas plus d’un an (Art. L421-1 et R421-3 du code de l’urbanisme). Cela peut être le cas, par exemple, pour les structures itinérantes.
5.Les débits de boissons
La loi “engagement et proximité” du 27 décembre 2019 vient renforcer les pouvoirs de police du maire concernant la fermeture de débits de boissons (Art. 45). Le maire peut demander au préfet de lui déléguer ses pouvoirs de police afin de pouvoir y procéder en cas de trouble à l’ordre public. Le maire pourra prononcer leur fermeture après la mise en place d’une commission municipale suivie d’une procédure contradictoire avec l’exploitant. Le préfet pourra toujours se substituer au maire en cas de carence ou pour mettre fin à cette délégation de pouvoir de police. D’autre part, le maire peut désormais encadrer les horaires de ventes à emporter d’alcool entre 20h et 8h.
Pour plus d’informations, consulter la fiche La réglementation relative aux débits de boissons
II.Le pouvoir de police judiciaire du maire
En vertu de l’article 16 du Code de procédure pénale et de l’article L2122-31 du Code général des collectivités territoriales, le maire à la qualité d’officier de police judiciaire dans le ressort du territoire de sa commune.
A ce titre, il peut constater des infractions et dresser des procès verbaux. Le maire a le pouvoir de sanctionner les actes qui portent atteinte à la sécurité des personnes et qui présentent un caractère répétitif continu. Depuis la loi “Engagement et proximité” du 27 décembre 2019, le maire peut prononcer, à l’issue d’une procédure contradictoire, une amende pouvant aller jusqu'à 500 €. Cette amende peut être prononcée, par exemple, pour une occupation illégale du domaine public ou encore pour le non-respect des horaires de vente. Cette amende ne peut être prononcée que pour les activités commerciales (Art. 53).
III.Les obligations du maire
a.Le principe
Le maire ne peut intervenir que dans le strict cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi.
En tout état de cause, il appartient au maire de prendre toutes les précautions pour préserver l’ordre public, sous peine de voir sa responsabilité engagée. Lorsqu'il constate ou qu’il est informé de faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques, la maire ou son représentant peut procéder au rappel des dispositions qui s’imposent à l’auteur des troubles.
b.Les limites en matière de police administrative
1.La mesure de police doit être proportionnée
Toute mesure de police administrative visant à restreindre les libertés individuelles ne peut être prise que dans la stricte mesure où elles est nécessaire au maintien de l’ordre public. Les juridictions administratives exerce un contrôle dit “maximum” consistant à vérifier la proportionnalité de la mesure de police par rapport au motif invoqué par le maire pour la justifier. Toute disproportion, même légère, entraîne l’illégalité de la mesure, donc son annulation (CE, Benjamin, 19 mai 1933).
2.La mesure de police doit être motivée
En cas de mesure de police défavorable, celle-ci doit être motivée (Art. L211-2 du Code des relations entre le public et l’administration).
3.La prohibition des interdictions générales et absolues
Le maire ne peut recourir à des interdictions de grande ampleur, qualifiées d’interdiction générale et absolue par la jurisprudence. Par exemple, le Conseil d’Etat a annulé un arrêté par lequel un préfet de police (qui pourrait être un maire hors Paris) interdisait les activités musicales et les attractions de toute nature dans les 147 voies et places de Paris réservés aux piétons. Cette interdiction était “beaucoup trop générale et absolue tant par son objet que par son champ d’application dans l’espace et dans le temps” (CE, Préfet de police c/ Guez, 1984).
c.Les recours possibles à l’encontre des mesures de police administrative
1.Le recours pour excès de pouvoir
Il est possible de contester la mesure de police pris par le maire, par exemple lorsque la mesure n’est pas proportionnée, par un recours pour excès de pouvoir (REP) auprès du juge administrative. L’objectif de ce recours est le contrôle, par le juge administratif, de la légalité de la mesure prise par le maire, et obtenir le cas échéant, son annulation.
Plus d’informations sur les conditions, délais, contenu du dossier, dépôt du recours :
Recours devant le juge administratif | service-public.fr
2.Le référé
En cas d’urgence, par exemple à l’occasion d’un refus d’occupation temporaire du domaine public pour un spectacle devant se tenir dans les jours suivants, il est possible de saisir le juge administratif, qui se prononcera dans un délai de 48 heures, par la voie d’un référé,
Il est possible de le saisir :
- par un référé-suspension pour obtenir la suspension de l’exécution d’une décision prise par le maire (par exemple : un permis de construire) ;
- par un référé-liberté lorsqu'une décision du maire porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale (ex : liberté d’expression …).
d.La responsabilité du maire
- Responsabilité administrative : il n’existe pas de responsabilité administrative directe du maire puisque ses actes engagent l’institution qu’il dirige.
- Responsabilité pénale : les élus locaux peuvent voir leurs responsabilités pénales engagées. En effet, le maire peut être condamné pour des faits non intentionnels commis dans l’exercice de ses fonctions s’il est établi qu’il n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie (Art. 2123-34 CGCT). Il peut s’agir d’une situation où le maire a concouru à une situation à l’origine du dommage en usant de son pouvoir d’administrateur ou d’organisateur.