Un artiste interprète dispose de deux types de droits sur son image : de droits voisins lorsque l'image le représente dans le cadre de son interprétation et d'un droit à l'image lorsqu'il est représenté en dehors de son interprétation. Ces deux fondements juridiques sont souvent confondus, or il est nécessaire de les identifier afin de pouvoir solliciter les bonnes autorisations.
I.Exploitation de l'image de l'artiste dans le cadre de son interprétation
a.Les droits voisins comme fondement juridique
L'artiste dispose de droits exclusifs sur son interprétation, appelés droits voisins. Ces droits lui permettent notamment de s'opposer à ce que son interprétation soit reproduite et représentée sans son autorisation (art. L212-3 du Code de la propriété intellectuelle ).
C'est donc sur le fondement des droits voisins que l'autorisation de l'artiste est nécessaire pour pouvoir capter et diffuser son interprétation.
Attention, le fondement du droit à l'image (cf. infra II) ne peut pas être invoqué par l'artiste pour empêcher une captation de son image au cours de sa prestation artistique. Seule la mise en œuvre du monopole d'exploitation conféré par les droits voisins permet à l'artiste-interprète de s'opposer à la fixation (film, photographies, etc.) de son interprétation (TGI, Paris. 11 mai 1998).
Ainsi, c'est bien au nom du droit voisin qu'il faut agir quand l'image d'un jongleur est reproduite (CA Nancy, 1re ch., 8 sept. 2005, n° 99/03384 : en l'espèce, l'autorisation préalable de l'artiste n'avait pas été sollicitée pour la commercialisation de photographies de sa prestation artistique, leur utilisation publicitaire et leur utilisation lors d'un festival de cinéma).
b.Autorisation d'exploitation : un contrat de cession est obligatoire
Contenu et forme du contrat. La cession des droits des artistes-interprètes doit nécessairement faire l'objet d'un contrat écrit (art. L212-3 du Code de la propriété intellectuelle ). La cession implicite n'est pas valable. Ainsi, dès lors que la prestation de l'artiste est fixée et communiquée, une autorisation écrite de ce dernier est nécessaire.
Le Code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas de mentions obligatoires pour le contrat de cession de droits voisins. Toutefois, la jurisprudence s'est prononcée à plusieurs reprises en faveur du principe selon lequel tout mode d'exploitation qui n'est pas expressément cédé dans le contrat reste la propriété de l'artiste interprète : c'est le principe d'interprétation restrictive des cessions qui s'applique.
Pour plus de précisions sur le contenu du contrat de cession de droits voisins, se reporter à l'étude "Droits de l'artiste sur son interprétation : les droits voisins" ( ).
Contrat de travail et contrat de cession des droits voisins. Le contrat de travail conclu entre un artiste et son employeur (par exemple le producteur de spectacles) n'emporte pas cession des droits voisins. Pour que l'employeur puisse exploiter l'image de l'interprétation d'un artiste, il doit solliciter son autorisation. Celle-ci peut faire l'objet d'une clause spécifique dans le contrat de travail ou d'un contrat de cession de droits voisins séparé.
Quid de l'utilisation de l'image de l'interprétation sans autorisation? L'utilisation de l'interprétation d'un artiste sans son autorisation est constitutive de contrefaçon.
II.Exploitation de l'image de l'artiste en dehors de la scène (hors interprétation)
a.Le droit à l'image comme fondement juridique
Lorsque l'artiste est en dehors de la scène il dispose au même titre que toute autre personne d'un droit sur son image (Cour d'appel, Paris. 25 oct. 1982). Le droit à l'image n'est pas directement consacré par un texte juridique, il trouve son origine dans les décisions de tribunaux, sur le fondement de l'article 9 du Code civil qui consacre le droit au respect de la vie privée.
Le droit à l'image permet à toute personne qui est identifiable de s'opposer à la fixation, la reproduction ou l'utilisation de son image. Nul ne peut donc utiliser l'image d'une personne sans son autorisation préalable.
NB : il existe des exceptions à l'autorisation préalable : une personne ne peut s'opposer à la réalisation et à la divulgation de son image lorsque le public a un intérêt légitime à être informé (Cass, civ. 30 juin 2004 ) ou lorsqu'elle n'est pas identifiable, reconnaissable.
b.Autorisation écrite de l'artiste : un document fortement conseillé
Forme et contenu de l'autorisation. Pour que l'image d'un artiste en dehors de la scène puisse être utilisée il est indispensable de solliciter son autorisation. Cette autorisation doit être expresse, dépourvue de toute ambiguïté. Il est donc conseillé de recueillir le consentement par écrit, de manière à prévenir tout litige éventuel.
Bien que la loi n'impose aucun formalisme, il est important de mentionner dans l'autorisation les éléments suivants :
- les supports et procédés de diffusion de l'image ;
- le cadre lucratif ou non de l'exploitation de l'image ;
- la durée et l'étendue géographique de l'exploitation ;
- la rémunération prévue en contrepartie de l'exploitation (notamment en cas d'exploitation dans un contexte commercial ou publicitaire) ou le caractère gracieux de l'autorisation.
L'exploitation de l'image doit se faire en conformité avec l'autorisation concédée. En cas de doute sur l'étendue de l'autorisation, celle-ci doit s'interpréter de manière restrictive en faveur de l'artiste titulaire du droit à l'image.
Le tribunal de grande instance de Paris a jugé dans une décision du 7 octobre 2015 que le fait de ne pas prévoir de terme dans l'autorisation d'exploitation de l'image confère au contrat un caractère à durée indéterminée qui permet aux deux parties (et notamment à la personne dont l'image est exploitée) de le résilier à n'importe quel moment.
Autorisation d'exploitation de l'image et contrat de travail. L'autorisation de l'artiste doit être sollicitée même dans le cadre d'un contrat de travail.
On pourrait penser que l'artiste étant dans une relation de subordination, l'exploitation de son image par le producteur de spectacles (par exemple, pour illustrer le site internet de la compagnie) est de droit. Cette idée est fausse, la situation de subordination juridique ne prive pas le salarié des droits attachés à sa personne, et ne constitue donc pas un obstacle au respect du droit à l'image. Par ailleurs, l'accord donné par un artiste pour la captation de son image (par exemple sous forme vidéo ou photo) ne signifie pas qu'il en autorise la diffusion.
Quid de l'utilisation de l'image d'un artiste sans autorisation préalable ? L'atteinte au droit à l'image peut ouvrir droit à réparation. Le montant de l'indemnisation relève alors du pouvoir d'appréciation des juges.