Le principe de la force obligatoire des contrats énoncé à l'article 1103 du Code civil impose aux cocontractants qui ont valablement conclu une convention de respecter leurs obligations. La partie qui ne respecte pas son engagement commet une faute, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle.
I.Conditions de mise en œuvre de la responsabilité contractuelle
a.Faute de l'un des cocontractants
1.Établissement de la faute
La faute peut être définie comme le manquement d'une partie à son obligation contractuelle par l'un des cocontractants débiteurs. Elle peut résulter d'une inexécution totale, partielle ou défectueuse de l'obligation prévue au contrat (art. 1231-1 du Code civil ). Les fiches techniques et avenants qui sont annexés à certains contrats du spectacle ont la même valeur juridique que le contrat auquel ils se rattachent. Par conséquent, l'entrepreneur qui ne respecte par les obligations y afférant engage sa responsabilité contractuelle.
Il peut y avoir faute soit parce que :
- le débiteur de l'obligation mentionnée dans le contrat n'est pas parvenu au résultat prévu par contrat. Il n'a pas respecté son obligation de résultat. Il suffit alors juste de démontrer que le résultat obtenu n'est pas conforme à celui fixé au contrat ;
- le débiteur n'a, par imprudence ou négligence, pas respecté l'obligation mentionnée au contrat, il n'a pas mis en œuvre tous les moyens pour qu'elle soit réalisée. Le débiteur d'une obligation de moyens s'engage à mettre en œuvre tous les moyens pour remplir ses engagements, mais il ne promet pas un résultat.
a) Exemples de fautes
- dans le cadre d'un contrat de cession du droit de représentation d'un spectacle ou d'un contrat de coréalisation, le producteur qui ne fournit pas à l'organisateur un spectacle entièrement monté engage sa responsabilité contractuelle auprès de celui-ci.
- l'organisateur qui doit fournir au producteur un lieu en ordre de marche, notamment dans le cadre de contrats de cession ou de coréalisations, manque à son obligation de bonne organisation et de bon déroulement du spectacle en cas de retard dans le début de la représentation, défaut de coordination, prestation dans des conditions incorrectes d'un artiste, etc. Il engage sa responsabilité contractuelle envers le producteur (TGI Limoges. 28 mars 1991. Association Delta Phi c/ Comité des fêtes de Limoges).
- lorsqu'un spectateur achète un billet pour assister à une représentation, il est lié à l'organisateur par un contrat. Ce dernier est tenu de donner au spectateur la représentation qui lui a été annoncée. Il est tenu par une obligation de résultat et engage sa responsabilité contractuelle envers le spectateur en cas de changement de programme (T. com. Seine, 9 janvier 1933 : Gaz. Pal. 1933, 1, p. 673).
- dans un contrat de vente de billets, les juges considèrent que "l'entrepreneur de spectacles, sauf circonstances exceptionnelles découlant de la nature du spectacles, n'est tenu que d'une obligation de moyens en ce qui concerne la sécurité des spectateurs" (Cass, civ 1ère. 29 nov. 1989 ).
b) Faute et rupture des pourparlers
Pendant la période des pourparlers, les parties sont en négociation et réfléchissent à la possibilité de contractualiser un partenariat. En principe, la rupture des pourparlers n'engage pas la responsabilité contractuelle de celui qui met fin aux négociations. Cependant, si la négociation est suffisamment avancée (il y a un accord de principe, des échanges de courriels, un commencement d'exécution du projet), les juges considèrent qu'elle peut valoir contrat. Dans ce cas, la rupture unilatérale pendant la phase de négociation peut être assimilée à une rupture contractuelle et engager ainsi la responsabilité de celui qui en est à l'origine.
Par exemple, un lieu de diffusion qui laisse croire à producteur de spectacles que rien ne fait obstacle à la conclusion d'un contrat (en l'espèce diverses propositions avaient été faites concernant la publicité et les tarifs du spectacle, l'établissement d'une coproduction entre les 2 structures) et qui rompt les pourparlers, commet une faute, impliquant le remboursement au producteur de l'ensemble des frais engagés pour la préparation du spectacle (CA Versailles. 8 mars 1985 : COGAM c/Théâtre Alias).
2.Exonération de responsabilité en cas de force majeure
La force majeure est définie comme un événement extérieur aux parties, imprévisible et insurmontable qui empêche le débiteur d'exécuter son obligation. Lorsqu'un cas de force majeure est reconnu, la responsabilité contractuelle ne peut pas être engagée (art. 1351 du Code civil ). La force majeure est désormais définie, en matière contractuelle, à l'article 1218 du code civil . La définitions légale de la force majeure est largement inspirée de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Les cas de force majeure admis par la jurisprudence sont peu nombreux :
- les juges considèrent très rarement que la maladie, même grave, d'un des cocontractants présente un caractère imprévisible et insurmontable (Cass, soc. 19 nov. 1970 ; Cass, civ. 1ère. 2 oct. 2001. Inédit).
De même dans la plupart des cas, le producteur de spectacles qui n'assure pas les représentations à cause de la maladie de l'un de ses artistes ne peut être exonéré de sa responsabilité contractuelle en invoquant un cas de force majeure (Cass, soc. 19 nov. 1970 ) ;
- de même, les intempéries constituent rarement un cas de force majeure. Les juges considèrent en général qu'elles sont prévisibles par les parties sauf lorsqu'elles sont d'une exceptionnelle violence ;
- il a été jugé que l'entrepreneur de spectacles qui rompt un contrat d'engagement d'artiste recruté pour donner plusieurs représentations dans un théâtre, au motif que le nouveau directeur a annulé le spectacle commandé par l'ancien directeur, ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la force majeure (CA Dijon. 9 janv. 2003).
Pour pallier ces situations qui peuvent fréquemment compromettre la bonne exécution des prestations artistiques il est conseillé d'envisager des solutions en amont lors de la rédaction de la convention.
Pour les intempéries il est possible :
- d'insérer une clause qui impose à l'organisateur de prévoir une solution de repli (lieu couvert par exemple) ;
- de prévoir un report de date ;
- d'établir une liste des circonstances justifiant l'annulation des représentations.
Dans l'hypothèse d'un artiste défaillant, il est possible de prévoir une solution de substitution ou de remplacement ou prévoir un cas d'annulation (et ce qu'il est prévu dans ce cas), en cas de maladie de l'artiste principal par exemple.
Si ces solutions ne sont pas envisageables par les parties (par exemple, dans un contrat d'engagement qui est conclu intuitu personae il est légitime que l'employeur refuse d'insérer une clause de remplacement), il est possible de souscrire une assurance couvrant les risques liés à l'annulation du contrat (voir étude "Assurances" ).
b.Dommage et préjudice subi
La responsabilité contractuelle ne peut être engagée que si la faute entraîne un dommage pour le cocontractant.
Le dommage s'évalue en fonction :
- de tout ce dont le créancier s'est trouvé privé du fait de l'inexécution contractuelle ;
- mais aussi de tous les effets découlant de cette inexécution.
Le dommage doit être prévisible ce qui implique que le débiteur d'une obligation contractuelle n'est tenu d'indemniser que les conséquences de son inexécution prévue ou prévisible au moment de la conclusion du contrat (art. 1231-3 du Code civil ).
La cour d'appel de Rennes a jugé dans un arrêt en date du 3 décembre 2010 que l'artiste dont le spectacle est annulé de façon fautive par le producteur (l'employeur) subit un dommage fondé sur le cachet et les droits d'auteur éventuels qu'il n'a pas perçu. Elle a également reconnu en l'espèce la possibilité pour l'artiste de faire valoir la perte d'une chance fondée sur sa notoriété : l'annulation du spectacle qui était programmé dans un important festival a empêché l'artiste de rencontrer d'autres producteurs et par conséquent de vendre son spectacle (CA Rennes. 3 déc. 2010. n°09/06880).
c.Lien de causalité entre la faute et le préjudice subi
Pour qu’il puisse y avoir réparation dans le cadre de la responsabilité contractuelle, le dommage subi par le créancier doit avoir été causé par la défaillance du débiteur. Il faut l’existence d’une relation de cause à effet. Toutefois, tout dommage subi par le contractant ne peut donner lieu à réparation. En effet, l’article 1231-4 ( ) du Code civil dispose que "dans le cas même où l’inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre (...) que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention".
La jurisprudence détermine au cas par cas quelles sont les conséquences dommageables qui peuvent être considérées comme directement liées à l’inexécution du contrat.
II.Mise en œuvre de la responsabilité contractuelle
a.Résolution du contrat pour inexécution
Lorsque l'une des parties au contrat ne respecte pas son engagement le cocontractant peut demander la résolution du contrat. La résolution est la sanction du défaut d'exécution par l'une des parties de ses obligations contractuelles qui se traduit par l'anéantissement rétroactif du contrat à compter de la date à laquelle il a été conclu. Les choses sont donc remises dans le même état que si le contrat n'avait pas existé (art. 1304 alinéa 3 du Code civil ).
La résolution est prévue par l'article 1184 du Code civil ( ) qui dispose que "La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait point son engagement". La résolution permet à la partie victime de l'inexécution de se détacher du contrat. Elle s'accompagne le plus souvent de dommages et intérêts.
La résolution a un effet rétroactif, elle impose aux parties de remettre les choses en l'état comme si le contrat n'avait jamais existé. Mais il arrive dans certaines conventions que les cocontractants ne puissent pas restituer les prestations reçues ; dans ce cas, le contrat est résilié c'est-à-dire qu'il est anéanti mais seulement pour l'avenir.
La résolution ou la résiliation doivent en principe être demandées devant le juge afin que l'inexécution contractuelle soit constatée. Cependant, pour éviter une procédure souvent longue et coûteuse les parties ont la possibilité d'insérer au contrat une clause dite résolutoire qui permet la résiliation ou la résolution automatique du contrat si l'une des parties ne s'exécute pas. Cette clause doit indiquer avec précision les raisons pour lesquelles le contrat peut être résolu ou résilié.
b.Dommages et intérêts
La partie qui commet une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles cause un préjudice à son partenaire et doit le réparer par le versement de dommages et intérêts (art. 1231-1 du Code civil ). C'est au juge qu'il appartient d'évaluer le montant de cette somme, en fonction de la gravité du préjudice subi.
Cependant, les parties peuvent décider d'insérer dans le contrat une clause pénale qui prévoit à l'avance le montant des dommages et intérêts qui sera du en cas d'inexécution contractuelle. Le juge est tenu par cette stipulation contractuelle et ne peut prononcer l'octroi d'une somme moindre ou supérieure que si la clause se révèle être manifestement excessive ou dérisoire (art. 1231-5 du Code civil ).
La clause pénale est interdite dans les contrats de travail.
La mise en demeure du cocontractant défaillant est indispensable pour que le créancier puisse réclamer les dommages et intérêts liés au préjudice subi (art. 1146 du Code civil ).
Cependant, cette formalité n'est pas nécessaire dans les 2 cas suivants (art. 1146 du Code civil ) :
- lorsque le créancier a attaché une importance particulière à l'exécution d'une obligation dans un temps déterminé ;
- lorsque l'obligation de faire ne pouvait être réalisée que dans un temps que le débiteur a laissé passer.
Il est par exemple inutile de recourir à la mise en demeure dans le cadre d'un contrat de "vente" de spectacle lorsque l'organisateur n'a pas fourni, au moment de la représentation, les prestations nécessaires à l'accueil du spectacle. Cependant, dans le cas du retard ou du défaut de paiement de la représentation artistique, le producteur doit mettre l'organisateur en demeure d'exécuter son obligation.