Joris Mathieu est auteur, metteur en scène et directeur du Théâtre Nouvelle Génération - CDN de Lyon. Dans ce texte, publié également sur le site de pétition en ligne change.org, il invite les acteurs de la culture à s'engager auprès de la jeunesse pour défendre le climat. ARTCENA republie l'intégralité de cette tribune composée d'un dialogue fictif puis d'une prise de position de l'auteur.
Pour commencer :
Ce qui suit est un dialogue monté à partir du discours de Greta Thunberg le 3 décembre 2018 à la COP 24 et les vœux aux Françaises et aux Français du Président de la République le 31 décembre 2018. La situation est imaginaire, même si une rencontre entre les deux personnages a bien eu lieu le 22 février 2019. Les répliques, elles, sont directement tirées des discours originaux.
L’enfant : Notre biosphère est sacrifiée pour que des personnes riches dans des pays comme le mien (ndrl La Suède) puissent vivre dans le luxe. Ce sont les souffrances du plus grand nombre qui payent pour le luxe de quelques uns. Si quelques enfants peuvent faire les gros titres partout dans le monde simplement parce qu’ils ne vont pas à l’école imaginez ce que nous pouvons faire ensemble si nous le voulons. Mais pour cela nous devons parler clairement même si ça peut être inconfortable.
Le président : Nous sommes en train de vivre plusieurs bouleversements inédits : le capitalisme ultralibéral et financier trop souvent guidé par le court terme et l’avidité de quelques-uns, va vers sa fin ; notre malaise dans la civilisation occidentale et la crise de notre rêve européen sont là. (…) Alors faut-il s’en désespérer ? Je ne le crois pas. Cette année 2019 est à mes yeux décisive et je veux former pour nous trois vœux. D’abord un vœu de vérité. Oui, nous souhaiter en 2019 de ne pas oublier qu’on ne bâtit rien sur des mensonges ou des ambiguïtés.
L’enfant : Vous n’êtes pas assez matures pour dire les choses telles qu’elles sont. Vous parlez de croissance économique verte et durable parce que vous avez peur d’être impopulaires. Vous parlez de poursuivre les mêmes mauvaises idées qui nous ont mis dans cette situation alors que la seule réaction logique est de tirer le frein à main. Même ce fardeau, vous nous le laissez à nous, les enfants. Notre civilisation est sacrifiée pour permettre à une petite poignée de gens de continuer à gagner d’énormes sommes d’argent.
Le président : On ne peut pas travailler moins, gagner plus, baisser nos impôts et accroître nos dépenses, ne rien changer à nos habitudes et respirer un air plus pur ! Non, il faut tout de même sur ces sujets que nous nous regardions tels que nous sommes et que nous acceptions en face les réalités.
L’enfant : Jusqu’à ce que vous vous concentriez sur ce qui doit être fait plutôt que sur ce qui est politiquement possible, il n’y a aucun espoir. Nous ne pouvons pas résoudre une crise sans la traiter comme telle. Nous devons laisser les énergies fossiles dans le sol, et nous devons nous concentrer sur l’équité. Et si les solutions sont introuvables à l’intérieur du système, alors peut-être devons nous changer de système.
Le président : Nous pouvons faire mieux et nous devons faire mieux (…) Le débat national qui s’ouvre, doit nous permettre de parler vrai. Mais parler vrai, c’est parler de la réalité. On peut débattre de tout, mais débattre du faux peut nous égarer surtout lorsque c’est sous l’impulsion d’intérêts particuliers. Il n’y a pas une vérité, sans les confronter au réel ou aux arguments des autres. (…) Alors débattons, car de là peut naître une action utile et qui nous unit.
L’enfant : Vous nous avez ignorés par le passé, et vous nous ignorerez encore. Nous sommes à court d’excuses et nous sommes à court de temps. Nous sommes venus ici pour vous dire que c’est l’heure du changement que cela vous plaise ou non. Le vrai pouvoir appartient au peuple.